Supprimer le savoir ?

Le  musée Carnavalet  cherche à supprimer les chiffres romains, condamnés sur la roche tarpéienne pour ne pas être assez accessibles au commun des mortels.
Est-ce une simple question de génération ? Pour beaucoup,  cette anecdote n’en est pas une.

Une Tribune de Jean Jacques Roux, DGS de Cuers et membre du Cercle des Acteurs Territoriaux qui s’inspire de l’article « Pour supprimer l’ignorance, mieux vaut supprimer le savoir » de  Paulin Césari dans Le Figaro Mag.

« Pour supprimer l’ignorance, mieux vaut supprimer le savoir ».

Magistrale formule que vient d’écrire Paulin Césari dans Le Figaro Mag en réaction à cette stupide initiative du musée Carnavalet de chercher à supprimer les chiffres romains, condamnés sur la roche tarpéienne pour ne pas être assez accessibles au commun des mortels.
Pour les gens de ma génération, cette anecdote n’en est pas une.
Ce sujet fait résonance en nous en passant comme une fulgurance bien amère du champ comique au champ tragique.


Champ comique car vient en mémoire le cultissime et excellentissime sketch des « Inconnus » où, portant une pancarte qui mentionnait « A mort Louis XVI », ils faisaient scander à un ado de banlieue préparant avec sa classe un spectacle pour le bicentenaire de la révolution et jouant le peuple français : « A mort Louis croix, vé, baton ! »… Nous avions tous bien ri à l’époque du clin d’œil à cette maladresse d’apprentissage sans savoir que 30 ans après … cela en deviendrait tragique…


Champ tragique parce que Paulin Cesari touche juste en pointant du doigt cette initiative et à travers elle cette tendance sociétale de plus en plus affirmée et systématique où, sur l’autel de la bonne conscience, le parti est pris de la médiocrité et du nivellement par le bas au détriment de l’effort et de l’élévation. Une sorte de vis sans fin, de spirale vers un égalitarisme mortifère.

Toujours dans l’actualité, il nous faut admettre que nos jeunes amis de certains syndicats étudiants ont décidé d’emprunter eux aussi le même chemin et suivent donc allègrement cette voie . Ainsi, ils nous assurent que « pour supprimer le racisme, mieux vaut rester entre soi ». Quelle drôle d’idée de combattre un sectarisme en en créant un autre !!!!!

Mais rassurons nous (ou pas), d’autres champs sont « work in progress » et certains depuis longtemps.


Le système scolaire est en difficultés, pas de problème : « pour supprimer les inégalités scolaires, mieux vaut donner les diplômes » et tant pis si la sélection en est juste décalée et si ceux qui s’arrêtent là n’ont plus qu’un diplôme qui ne vaut plus rien sur le marché du travail.

Le niveau scolaire est faible aux concours des grandes écoles et de la fonction publique, pas de problème : « pour supprimer les différences culturelles, mieux vaut supprimer l’épreuve de Culture Générale » et ainsi ne surtout plus sélectionner les étudiants sur leur capacité à réfléchir révélée par cette épreuve…

La violence urbaine et l’insécurité prennent des proportions préoccupantes, pas de problème : « pour supprimer la délinquance, mieux vaut contrôler la police et limiter la justice » et laisser ainsi la population avec l’amer sentiment d’un injuste laisser faire généralisé si dangereux en matière de tensions sociales et de pulsions électorales…

Triste et surtout particulièrement inquiétant que tout cela car ce phénomène non seulement ne traite jamais les causes mais porte en lui exactement les mêmes conséquences que ce qu’il cherche à dénoncer et à combattre.

A bien essayer de comprendre cette initiative muséographique comme ses coreligionnaires,  elles nous disent qu’au départ de cette grande course qu’est la vie, nous ne sommes pas tous égaux (merci mais nous l’avions compris par nous-mêmes). Mais elles nous disent aussi que l’égalité des chances ou l’égalité des places n’ont plus de pertinence et qu’il faut donc qu’elles soient remplacées par une autre égalité, on dira sans les trahir, l’égalité par le forfait, au nom d’un raisonnement assez simple finalement cherchant à se muer en principe : « puisque pas tout le monde ne peut être premier, mieux vaut annuler la course… » Mais peut-on vivre et se développer individuellement et collectivement sans la dite course ?

Un phénomène, presque une doctrine qui prospère et envahit des pans entiers sociétaux et de politiques publiques… Et qui, porté par ses thuriféraires, cherche à devenir un paradigme dans une indifférence et/ou un renoncement quasi général.

Ainsi font font font les jolies … Non ! Ainsi vont les sociétés décadentes toujours aussi promptes à organiser leurs propres obsèques.

Jean-Jacques ROUX

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